La Chambre sociale de la Cour de cassation a visiblement voulu frapper du poing sur la table et énoncer, par une décision de principe, sa volonté de faire échec aux ruptures de contrat de travail intervenant en représailles (ou pour faire échec) à une action en justice.*
Dans son arrêt du 6 février 2013, elle l’affirme de la façon la plus solennelle qui soit en fondant sa décision sur deux dispositions énonçant des principes généraux :
– L’article L. 1121-1 du code du travail : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. »
– L’article 6 § 1° de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial… »
Elle retient en outre la compétence du juge des référés dont elle indique qu’il « peut, même en l’absence de disposition l’y autorisant, ordonner la poursuite des relations contractuelles en cas de violation d’une liberté fondamentale par l’employeur. »
Tirant ensuite de la concomitance entre la rupture des contrats de travail par l’employeur sans motif légitime et l’action en justice des salariés une présomption d’illicéité de ces ruptures, elle énonce que c’est sur l’employeur que pèse la charge de la preuve d’établir que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l’exercice, par le salarié, de son droit d’agir en justice.
Selon nous, cette décision constitue un arrêt de principe dont la solution sera susceptible de s’appliquer à tous les licenciements représailles et pas seulement à la situation particulière des ruptures de CDD à la suite d’une demande de requalification en CDI, circonstance dans laquelle cet arrêt a été rendu.
La pratique des licenciements en représailles à une action en justice est en effet plus courante qu’on pourrait le penser (après l’introduction d’une action pour dénoncer une discrimination, ou une situation de harcèlement, lorsque l’employeur est cité devant le conseil de prud’hommes pour avoir appliqué unilatéralement une minoration de la rémunération variable d’un cadre commercial ou même en cas de demande de résiliation judiciaire du contrat de travail…).
Il est cependant à craindre qu’une forte résistance s’organisera contre cette jurisprudence et que les employeurs prétendront qu’elle ne trouve à s’appliquer qu’aux ruptures anticipées de CDD faisant suite à des demandes judiciaires de requalification de CDD en CDI. Si les juridictions de première instance et d’appel se laissaient convaincre, il serait nécessaire que la Chambre sociale de la Cour de cassation soit de nouveau saisie pour qu’elle précise qu’elle rejette, sans aucune exception, tous les licenciements intervenant en représailles à une action en justice.