Dans le cadre de la situation sanitaire actuelle, parmi les difficultés que rencontrent les Français établis hors de France (dans certains pays) et les expatriés, le problème du choix des praticiens pouvant suivre leurs problèmes de santé figure en première place.
Les questions pratiques sont nombreuses : comment expliquer des symptômes ressentis, lorsqu’on ne parle pas la même langue que le praticien qui vous ausculte, que celui-ci ne pratique ni le français, ni l’anglais et que, de toute façon, on ne connaît pas le vocabulaire correspondant ? Comment trouver un spécialiste de la pathologie concernée ? L’identification de la bonne personne qui est souvent déjà difficile lorsqu’on se trouve sur le territoire national, devient particulièrement problématique lorsqu’on se trouve dans certains pays étrangers.
A ces difficultés, s’ajoute le fait que, même quand on a pris la précaution de demander une copie de son dossier médical avant de quitter la France, il est souvent difficile d’expliquer son passé médical à un nouveau praticien (qui n’a pas toujours la disponibilité nécessaire).
Grâce aux progrès des outils de communication et à la généralisation des appels « voix + image » via les outils de visio-conférence, la solution existe aujourd’hui. Pour être plus précis, elle aurait pu exister largement plus tôt mais se heurtait à des contraintes légales, puisque les téléconsultations étaient possibles depuis 2009, à titre expérimental, mais leurs conditions de prise en charge par la sécurité sociale n’ont réellement été alignées sur le droit commun que depuis le 15 septembre 2018.
Un nombre de plus en plus important de médecins proposent directement, sur leur site Internet, une rubrique de téléconsultation. Avec la pandémie du Covid 19, ils y sont d’ailleurs de plus en plus incités par les pouvoirs publics.
Depuis le 13 janvier 2019, le site « Doctolib » (probablement le plus fréquenté en matière de prise de rendez-vous) comporte également un service de téléconsultation. Il est donc désormais possible de consulter son médecin traitant par Internet, en bénéficiant d’un remboursement de la sécurité sociale dans les conditions prévues pour une consultation normale. Une fois la téléconsultation terminée, le médecin envoie son ordonnance par courriel : par dérogation aux dispositions de l’article R. 161-43 du code de la sécurité sociale, la signature de la feuille de soins ou du bordereau de facturation n’est pas exigée.
Particulièrement adaptée aux expatriés, la téléconsultation peut rassurer ceux qui vont ou viennent de quitter la France et ont besoin d’assurer une transition ou qui se trouvent dans un pays au système de santé trop éloigné du système français. La CFE (Caisse des Français de l’étranger) a d’ailleurs annoncé, le 27 décembre 2018, qu’elle la prendra dorénavant en charge, dès lors que les expatriés auront recours à des médecins régulièrement basés et déclarés en France. (Selon la CFE, la téléconsultation vers un professionnel de santé français est assimilée à un soin en France.)
Par prudence, il conviendra de s’assurer au préalable que le système de soin du pays d’accueil accepte les ordonnances délivrées par des praticiens français. Même si elles semblent valables dans la plupart des pays, on note des exceptions importantes. Aux États-Unis ou au Canada par exemple, pour des raisons de responsabilité, les officines exigeune ordonnance délivrée par un praticien local (cependant, en recherchant des pharmacies françaises[1] dans certaines grandes villes des États-Unis (à New-York), certains de nos clients parviennent tout de même à s’y faire délivrer des médicaments avec des ordonnances françaises).
Depuis quelques années, plusieurs sociétés (Hellocare, Quare, HealthTap, Mesdocteurs, Médecindirect, FrenchMedicine…) proposaient aux expatriés des services de visioconférence avec des médecins français. La société H4D propose même des cabines équipées (notamment au Portugal, en Italie, à Dubaï ou aux Philippines), qui permettent au médecin de prendre à distance la tension ou la température. Certaines sociétés (notamment, la société Eutelmed) sont spécialisées dans les soins psychologiques ou psychiatriques, adaptés à certaines situations de choc culturel ou de risques psycho-sociaux spécifiques à l’expatriation.
D’autres sociétés, comme Qare, proposent un abonnement de télémédecine. De son côté, Zava, propose des consultations en différé (non prises en charge par la sécurité sociale) par réponse à un questionnaire en ligne.
On assiste également au développement d’applications pour smartphones comme EasyClaim pour les clients de APRIL International Care. Cette compagnie d’assurance avait ouvert un service de téléconsultation au mois de janvier 2020 pour ses seuls clients expatriés installés en Asie. Avec la pandémie actuelle, ce service est désormais (et pour une période de deux mois) proposé à tous ses assurés expatriés, où qu’ils se trouvent dans le monde.
D’autres sociétés comme Eutelmed, permettent de consulter un professionnel de santé en vidéo pour des questions de dermatologie, psychiatrie, psychologie, orthophonie et médecine générale.
Coût et prise en charge
La téléconsultation est facturée par le médecin téléconsultant au même tarif qu’une consultation présentielle en métropole (des majorations peuvent s’ajouter, dans les mêmes conditions).
Toutefois, pour ouvrir droit au remboursement, les téléconsultations doivent s’inscrire dans le parcours de soins coordonnés. Ainsi, les patients doivent consulter leur médecin traitant ou le médecin conseillé par ce dernier. Ils doivent également avoir rencontré le médecin téléconsultant en face à face le dans les douze mois précédant la téléconsultation. Cette exigence pourra – selon l’attitude qui sera adoptée par la CFE – constituer une contrainte pour les français de l’étranger et expatriés.
Tant que ce frein ne sera pas levé, il sera prudent de prévoir une visite en famille chez leur médecin traitant pratiquant la téléconsultation, soit au début, soit à la fin des congés annuels passés sur le territoire français.
Des exceptions étaient déjà prévues à cette obligation de rencontre en face à face, pour les patients de moins de 16 ans, pour certaines spécialités (gynécologie, ophtalmologie, stomatologie, chirurgie orale ou en chirurgie maxillo-faciale, psychiatrie ou neuropsychiatrie et pédiatrie), lorsque les patients ne disposent pas de médecin traitant ou lorsque le médecin traitant n’est pas disponible. Dans ces deux dernières situations, les modalités de choix, par les expatriés, du médecin consulté ne sont pas précisées mais l’on peut penser qu’il y a une liberte de choix.
Assouplissement des règles pour la téléconsultation des patients atteints du COVID 19
Face à la pandémie du Covid-19, le ministre de la Santé a simplifié le recours à la téléconsultation pour les personnes exposées au virus. Deux décrets des 9 et 19 mars 2020 publiés au Journal officiel précisent ces mesures sur la télémédecine.
En effet, aujourd’hui et jusqu’au 31 mai 2020 la téléconsultation n’a pas nécessairement à être réalisée par le médecin traitant et il n’est pas non plus nécessaire que ce dernier ait effectué une consultation physique avec le patient dans les 12 mois précédant. L’acte de téléconsultation doit faire l’objet d’un compte rendu établi par le médecin téléconsultant, qui doit être transmis au médecin traitant.
Face au Coronavirus, le Directeur Général de la Santé, Jérôme Salomon, a annoncé que l’Assurance maladie prendrait en charge dans son intégralité les téléconsultations à compter du 18 mars 2020 que celles-ci soient faites par les français résidant sur le territoire ou à l’étranger. Les établissements de santé peuvent pratiquer des télé-consultation
Pour certaines consultations complexes, des modalités de télé-expertise sont prévues, afin de permettre au médecin généraliste de solliciter l’avis d’un spécialiste.
Enfin, n’oublions pas que les actes de télé-consultation peuvent se pratiquer avec un praticien en France et un autre dans le pays d’accueil afin que les praticiens puissent échanger entre eux sur les cas les plus particuliers. La solution sera certe un peu plus coûteuse mais la santé a t-elle un prix ?
ASTAÉ
Cadre légal. –
Avenant n° 6 du 14 juin 2018 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie du 25 août 2016 (arrêté du 1er août 2018)
Code de la santé publique (art. L. 6316-1, articles R. 6316-1 et suivants)
Décrets n° 2018-788 du 13 septembre 2018 relatif aux modalités de mise en œuvre des activités de télémédecine et n° 2010-1229 du 19 octobre 2010 relatif à la télémédecine
Lois n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 (art. 37) et n° 2017-1836 du 30 déc. 2017 (art. 54)
HAS, Haute Autorité de santé (fiche « Qualité et sécurité des actes de téléconsultation et de téléexpertise » et rapport d’élaboration, avril 2018)
Décision du 10 juillet 2018 de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie relative à la liste des actes et prestations pris en charge par l’assurance maladie
Arrêté du 16 août 2018 complétant l’annexe de l’arrêté du 1er août 2018 portant approbation de l’avenant n° 6 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie signée le 25 août 2016
Décision du Conseil d’État du 29 mai 2019 N° 429188
Décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020 portant adoption de conditions adaptées pour le bénéfice des prestations en espèces pour les personnes exposées au coronavirus.
L’article R.4127-19 du code de la santé publique
Décret n° 2020-227 du 9 mars 2020 adaptant les conditions du bénéfice des prestations en espèces d’assurance maladie et de prise en charge des actes de télémédecine pour les personnes exposées au covid-19
Décret n° 2020-277 du 19 mars 2020 modifiant le décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020 portant adoption de conditions adaptées pour le bénéfice des prestations en espèces pour les personnes exposées au coronavirus
[1] En recherchant par ces mots clés « pharmacie française »