Seule la visite médicale de reprise, dans les cas où elle doit obligatoirement être mise en œuvre, met fin à la suspension du contrat de travail résultant d’un arrêt de travail.
L’employeur qui ne l’organise pas ou qui tarde à l’organiser doit-il cependant reprendre le paiement du salaire à la fin de l’arrêt de travail et ce même si le salarié ne revient pas travailler ?
La Chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée sur cette question par un arrêt du 24 janvier 2024 (n° 22-18.437).
Rappel des règles applicables :
• La visite médicale de reprise est obligatoire en cas(1) :
– D’absence d’au moins 30 jours pour accident du travail / maladie d’origine professionnelle ;
– D’absence d’au moins 60 jours pour maladie d’origine non-professionnelle ;
– Un congé maternité.
• Qui l’organise ?
C’est à l’employeur d’organiser la visite médicale de reprise, dès qu’il a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail. Il lui appartient alors de contacter le service de prévention et de santé au travail. La visite doit intervenir, au plus tard, dans un délai de 8 jours.
• Si la visite n’est pas organisée, ou l’est tardivement, le salarié qui ne reprend pas le travail en fin d’arrêt, doit-il être rémunéré ?
Il peut arriver que l’employeur n’organise pas de visite médicale ou l’organise tardivement. Le salarié peut alors prendre l’initiative de contacter les services de prévention et de santé au travail pour planifier la visite de reprise, mais il faut alors qu’il en informe simultanément son employeur. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé dans l’affaire qui commentée dans le cadre de laquelle le salarié demandait le paiement des salaires dont il avait été privé entre la fin de son arrêt de travail et l’organisation de la visite médicale de reprise.
Dans son arrêt du 24 janvier 2024 (n°22-18.437) , la Chambre sociale de la Cour de cassation considère que le salarié qui, à l’issue de son arrêt de travail, se tient à la disposition de l’employeur pour passer la visite médicale de reprise, a droit au paiement de sa rémunération.
Les faits
Dans cette affaire, un salarié, en arrêt de travail jusqu’au 9 novembre 2019, ayant été déclaré inapte à son poste lors de la visite de reprise le 8 janvier 2020, avait notamment présenté devant le Conseil de prud’hommes une demande de rappel de salaire pour la période du 12 novembre 2019 au 8 janvier 2020, et une demande de paiement les congés payés afférents.
Il argumentait avoir averti son employeur de la fin de son arrêt de travail et s’être ensuite tenu à sa disposition pour passer la visite médicale de reprise dont il avait vainement sollicité l’organisation avant d’entreprendre lui-même les démarches pour qu’une telle visite puisse finalement avoir lieu. Bien que n’ayant pas travaillé, il réclamait le versement de sa rémunération pour les deux mois où il était resté à la disposition de son employeur pour passer la visite médicale de reprise. Ses demandes ont été rejetées et il a formé appel devant la Cour d’appel de Nancy.
Les décisions de la Cour d’appel et de la Cour de cassation
Le 17 mars 2022 , la chambre sociale de la Cour d’appel de Nancy(2) a rejeté les demandes du salarié en retenant qu’il avait décidé de ne pas se présenter à son travail à la fin de son arrêt de travail, faute de visite de reprise et donc, que n’ayant pas exécuté sa prestation de travail, il ne pouvait exiger le paiement d’une rémunération pour cette période mais seulement réclamer des dommages et intérêts réparant son préjudice, en cas d’absence de visite de reprise.
La Cour de cassation a donc cassé la décision de la Cour d’appel de Nancy lui reprochant de n’avoir pas recherché si le salarié s’était tenu à la disposition de l’employeur pour passer la visite médicale de reprise.
Ainsi le salarié qui n’est plus en arrêt de travail, et qui se tient à la disposition de l’employeur pour passer la visite médicale de reprise, devra être rémunéré jusqu’à ce que cette visite intervienne, et ce même s’il ne se présente pas sur son lieu de travail.
Il faut cependant que le salarié démontre que son employeur savait que l’arrêt de travail avait pris fin et que le salarié se tenait à sa disposition. Il conviendra donc qu’avant la fin de l’arrêt de travail le salarié écrive pour le prévenir de la fin de l’arrêt de travail (ou du non-renouvellement) et précise qu’il se tient à disposition pour passer la visite médicale de reprise au plus tôt.
Portée de l’arrêt du 24 janvier 2024
Cet arrêt n’est pas publié au bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation. Il ne s’agit donc pas d’un arrêt de principe. Il propose cependant une solution inédite qui a conduit plusieurs commentateurs à se demander s’il ne s’agit pas d’un retournement de jurisprudence puisque dans un arrêt du 13 février 2019 (n°17-17492) rendu dans des circonstances de fait un peu différentes, la Chambre sociale de la Cour de cassation avait considéré que le salarié ne pouvait prétendre au paiement d’un salaire.
Pour notre part, nous ne pensons pas qu’il s’agit d’un retournement car, dans l’affaire de 2019, si l’employeur n’avait pas justifié avoir organisé la visite de reprise dès la fin de l’arrêt de travail, il avait adressé deux convocations par la suite et le salarié ne s’était pas rendu aux visites ainsi organisées.
[1] Art. R.4624-31 du code du travail
[2] Cour d’appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 17 mars 2022, n° 21/00550