Certains arrêts de la Cour de cassation laissent parfois songeur…
C’est précisément le cas de l’arrêt prononcé par la chambre sociale de la Cour de cassation le 1er février 2023, pourvoi n° 21-20.526 dont les faits peuvent être résumé ainsi :
Un salarié qui exerçait les fonctions d’opérateur de contrôle au sein de la RATP, est placé en arrêt de travail à plusieurs reprises pour des durées variables :
- 118 jours à la suite d’une agression ayant entraîné un choc au coude,
- 36 jours pour blessures au cou et au poignet,
- 29 jours pour bousculade ayant entraîné une blessure au bras droit.
Soit six mois d’arrêt de travail au total pendant lesquels la RATP, qui assure elle-même le risque maladie, maintient l’intégralité du salaire conformément à l’article 88 du statut de la régie.
Or la RATP apprend que, pendant ses arrêts de travail, le salarié concerné a participé à 14 compétitions de badminton sport, qui nécessite une mobilité parfaite de l’avant-bras, du coude, du poignet et du cou !
Il se trouve que s’il prévoit le maintien intégral de la rémunération, l’article 88 du statut de la régie prévoit également que le maintien du salaire est subordonné au fait que le salarié arrêté s’abstienne de toute activité, rémunérée ou non, sauf autorisation expresse de la caisse de coordination des assurances sociales (CCAS) de la RATP.
Le salarié est donc convoqué devant le conseil de discipline et révoqué, la RATP évoquant un manquement grave à son obligation loyauté pour avoir exercé pendant ses arrêts de travail une activité manifestement incompatible avec les incapacités à l’origine de ces arrêts de travail, susceptible d’aggraver son état de santé ou laissant présumer qu’il avait en réalité recouvré la santé (dans l’arrêt il est écrit recouvert la santé !!?).
La révocation intervient sans préavis ni indemnité de licenciement.
Le salarié conteste sa révocation. On ne sait pas quelle a été la décision des premiers juges mais la cour d’appel a considéré que son comportement « ne constituait pas un manquement du salarié à son obligation de loyauté et n’aurait causé aucun préjudice à la RATP ». La RATP a donc été condamnée au paiement des indemnités dont il avait été privé et à celui de la somme de 22.000€ à titre de dommages et intérêts pour révocation sans cause réelle et sérieuse.
La RATP se pourvoit en cassation et, pour rejeter le pourvoi la haute juridiction répond dans les termes suivants :
- L’exercice d’une activité, pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie, ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt. Dans un tel cas, pour fonder un licenciement, l’acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l’employeur ou à l’entreprise.
- Ce préjudice ne saurait résulter du seul maintien intégral du salaire, en conséquence de l’arrêt de travail, assumé par l’employeur qui assure lui-même le risque maladie de ses salariés.
- La cour d’appel a constaté que, pendant les cinq arrêts de travail prescrits entre octobre 2016 et novembre 2017, le salarié a participé à 14 compétitions de badminton et a relevé qu’il n’est pas démontré que cette participation aurait aggravé l’état de santé du salarié ou prolongé ses arrêts de travail, de sorte qu’il n’était pas établi que cette activité aurait causé un préjudice à l’employeur. Elle en a exactement déduit que ces faits ne caractérisaient pas un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de l’arrêt de travail et n’étaient pas constitutifs d’une faute grave.
- Le moyen n’est donc pas fondé. »
La solution peut laisser songeur non ?