4 avril 2025 | Actualité jurisprudentielle

Forfait jours : En l’absence de preuve concrète d’heures supplémentaires un ingénieur commercial débouté malgré les manquements de l’employeur

Par un arrêt publié du 11 mars 2025 (n° 24-10.452), la chambre sociale de la Cour de cassation a confirmé le rejet d’une demande de dommages-intérêts formulée par un salarié en convention de forfait jours, pourtant confronté aux manquements avérés de son employeur à ses obligations de suivi régulier de la charge de travail et d’assurer la protection de sa sécurité, de sa santé et de son droit au repos.

L’affaire concernait un ingénieur commercial relevant de la convention collective de la métallurgie, et soumis à une convention de forfait annuel en jours. Cette convention collective prévoit expressément, à son article 14, la tenue d’un entretien annuel obligatoire visant à évaluer la charge de travail, la répartition du temps de travail, l’exercice du droit à la déconnexion et l’articulation entre vie professionnelle et personnelle. Il s’agit là de garde-fous essentiels pour prévenir les dérives du forfait jours.

Or, en l’espèce, l’employeur n’avait manifestement pas respecté ces exigences, ce que la cour d’appel a expressément reconnu, considérant en conséquence que la convention de forfait jours était privée d’effet. Curieusement le salarié, s’est limité à invoquer un préjudice moral « nécessairement » subi, sans évoquer d’éléments concrets à l’appui : pas de mention d’heures supplémentaires, ni d’éléments factuels relatifs à une surcharge ou une désorganisation de son emploi du temps.

La Cour de cassation, dans la lignée d’une jurisprudence désormais bien établie réaffirmée également par trois autres arrêts rendus le même jour, rappelle qu’un manquement de l’employeur – aussi sérieux soit-il – ne suffit pas, en lui-même, à ouvrir droit à réparation. Encore faut-il que le salarié démontre un préjudice personnel et distinct.

On peut regretter ici que le salarié, dont les fonctions d’ingénieur commercial impliquent souvent une forte charge de travail et une grande disponibilité, ne se soit pas saisi de cette réalité professionnelle pour appuyer sa demande sur des faits concrets. En effet, dans son arrêt du 15 novembre 2023, la Cour d’appel de Paris relevait que le salarié n’avait ni prouvé, ni même allégué, avoir accompli des heures supplémentaires ou encore avoir souffert d’une surcharge de travail ou encore d’une mauvaise répartition de ses horaires de travail, de sorte qu’il ne rapportait pas la preuve du préjudice que lui auraient causé les manquements de l’employeur.

Aussi, à défaut d’une telle démonstration, les juridictions sociales laissent place à une logique probatoire stricte, qui tend à affaiblir la portée effective des protections instaurées par le législateur et les partenaires sociaux.

Cet arrêt rappelle aux salariés que lorsque la convention de forfait en jours est privée d’effet faute pour l’employeur de respecter les dispositions légales et les stipulations de l’accord collectif qui ont pour objet d’assurer la protection de la sécurité, de la santé du salarié et de son droit au repos, le salarié peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires dont le juge du fond doit vérifier l’existence et le nombre, mais que la reconnaissance d’un préjudice ne va jamais de soi, même en présence d’un manquement établi de l’employeur. Et qu’il appartient au demandeur, à défaut de pouvoir se prévaloir d’un préjudice « nécessaire », d’en démontrer l’existence et le montant.

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